Une plongée dans l’histoire : le contexte de la vinification au début du XVIIIe siècle

Les premières méthodes de vinification du champagne à Reims puisent leur origine dans une tradition viticole qui remonte à plusieurs siècles. À cette époque, le vignoble de la Champagne connaissait déjà une activité dynamique, bien que la production de vins effervescents n’en était qu’à ses balbutiements. La région, connue pour ses cépages nobles tels que le Pinot Noir, le Pinot Meunier et le Chardonnay, exploitait des techniques artisanales, souvent transmises de génération en génération.

Les vinificateurs de l’époque, parfois appelés « éleveurs » ou « vignerons », s’appuyaient sur des procédés rudimentaires mais efficaces, qui allaient progressivement évoluer vers les méthodes modernes que nous connaissons aujourd’hui. La région bénéficiait d’un terroir exceptionnel, propice à des récoltes riches en arômes, mais il subsistait un défi majeur : maîtriser la fermentation et la conservation des vins, notamment leur effervescence naturelle.

Les premières techniques de vinification : du pressurage à la mise en bouteille

Le pressurage : étape clé pour l’obtention du jus

Dans les premières décennies de la viticulture champenoise, le pressurage était une étape essentielle, réalisée à l’aide d’outils simples telles que les pressoirs en bois, souvent à visitation manuelle ou à cheval. La tradition voulait que l’on sépare soigneusement le jus des peaux et des pépins afin d’obtenir un liquide clair et délicat.

Les pressurages étaient généralement effectués en deux ou trois fois, afin d’obtenir des qualités différentes de moûts : le « pressurage doux » était privilégié pour ses arômes fins, tandis que le « pressurage dur » était réservé aux vins destinés à la production plus robuste ou à la distillation.

La fermentation : la naissance de l'effervescence

Contrairement à la vinification actuelle, qui utilise des levures cultivées ou spécifiques, les premières méthodes reposaient principalement sur la fermentation naturelle. Les vins de base, pressés puis stockés dans des tonneaux ou des cuves en bois, étaient laissés à fermenter spontanément grâce aux levures indigènes présentes sur la peau du raisin ou dans l’environnement.

Ce processus, lent et imprévisible, permettait parfois la formation de bulles naturelles, mais leur intensité et leur longévité étaient très variables. C’est lors de cette étape qu’apparaissaient souvent des chimiques inopinés, qui allaient par la suite stimuler la recherche de techniques plus contrôlées.

Les innovations et limites des premières méthodes

La mise en bouteille et la seconde fermentation

Au début, la mise en bouteille n’était pas encore systématique ni optimisée. Les vins, après fermentation, étaient généralement stockés dans des tonneaux ou des bouteilles en verre épais, accumulant parfois des dépôts et des défauts liés à la fermentation. La transformation du processus pour obtenir du champagne effervescent s’est faite progressivement, avec la pratique de la « prise de mousse » en bouteilles, consistant à refermer la bouteille pour permettre une seconde fermentation.

Cette étape délicate nécessitait une attention particulière, car si la bouchon et le col de la bouteille n’étaient pas étanches, la fermentation pouvait s’arrêter ou produire des vins bouchés ou trop pétillants. Les premiers vignerons expérimentaient différentes techniques pour maîtriser cette seconde fermentation, Molin et Fabien, deux figures patronymiques incontournables de la région au XVIIIe siècle, étant parmi les premiers à aborder ce sujet.

Les défis rencontrés

  • Une fermentation spontanée difficile à contrôler
  • Des vins parfois troubles ou mousseux de façon inconstante
  • Des bouteilles susceptibles d'exploser en raison de la pression
  • Une conservation limitée, avec un risque accru de défauts liés au vieillissement

Face à ces limites, les artisans de Reims ont cherché à perfectionner leur méthode, notamment par une meilleure maîtrise de la température et une sélection plus rigoureuse des vins de base. Toutefois, la compréhension de la fermentation et de ses mécanismes restait encore partielle à cette époque.

Les premières traces écrites et la formalisation des techniques

Ce n’est qu’au cours du XVIIIe siècle, grâce à l’émergence de documents et de traités d’œnologie rudimentaires, que certains vignerons ont commencé à formaliser leurs pratiques. Ces textes décrivaient notamment le rôle crucial du « liège » pour la fermeture des bouteilles, la nécessité d’éliminer les dépôts, ainsi que l’importance du remuage naissant pour clarifier le vin en fin de fermentation.

Certains écrits évoquent aussi des essais avec différentes levures et techniques de refroidissement pour ralentir la fermentation, dans le but d’obtenir une stabilité accrue. Au fil des années, ces pratiques ont permis d’améliorer la régularité des vins effervescents, posant ainsi les bases de ce qui allait devenir la méthode champenoise.

Les fondations pour l’avenir : un héritage à travers le temps

Les premières méthodes de vinification à Reims, tout en étant encore largement artisanales et empiriques, ont permis d’initier un véritable savoir-faire. La région, grâce à ces expérimentations, a progressivement confirmé son rôle de pionnière dans la production de vins effervescents d’exception.

Ce long cheminement, jalonné d’essais, de succès et d’échecs, a aussi été la source de nombreuses innovations, comme l’introduction du remuage mécanique au XIXe siècle ou la standardisation des méthodes par de grandes maisons comme Castelnau, dont la tradition repose sur cette connexion intime entre terroir, savoir-faire et recherche constante d’élégance et de finesse.

En définitive, comprendre ces premières méthodes, c’est aussi saisir la force d’un héritage artisanal qui continue d’inspirer le champagne tel que nous le connaissons aujourd’hui. La magie d’une flûte bien servie doit autant à ses bulles qu’à ce passé de patience, de découvertes et d’amour du vin.

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